La typologie jungienne

La théorie des types issue de Types psychologiques de C. G. Jung constitue ce qu’on appelle la typologie jungienne. C’est la base théorique de tous les modèles typologiques à seize types.

En typologie jungienne, chaque type est nommé par sa fonction dominante, sans acronyme (ex : Penseur introverti). Le câblage cognitif n’est constitué que de quatre fonctions égosyntoniques (comme en typologie myersienne) mais seules les attitudes de la fonction dominante et de la fonction inférieure sont distinguées – l’attitude des fonctions auxiliaire et tertiaire restant incertaine.

La théorie des types de Jung constitue la base de la typologie analytique, et bien qu’elle ait été raffinée et précisée par ses continuateurs, et étendue par les apports de la typologie des profondeurs, la typologie analytique est encore en parfait alignement théorique et méthodologique avec la typologie jungienne.

Les contributeurs

Carl Gustav Jung [Psychiatre, fondateur de la Psychologie Analytique]

Marie-Louise Von Franz [Analyste, élève de C. G. Jung]

Sommaire

Jung, Freud et Adler
Les types psychologiques
Les deux attitudes : l’introversion et l’extraversion
Les quatre fonctions
Les quatre types principaux
Les huit type-attitude
La fonction inférieure
La fonction auxiliaire
Les quatre sous-types
Le modèle à seize types
La fonction tertiaire
En résumé
Opposés et équilibre psychique
L’inconscient selon Jung
Pour aller plus loin

Jung, Freud et Adler

La théorie des types de Jung est née à l’origine du besoin que Jung avait de comprendre pourquoi ses perspectives sur la psychologie étaient radicalement différentes de celles de Sigmund Freud et d’Alfred Adler. Afin de comprendre la source de ce qui les opposent, Jung décide de mettre en suspens ses recherches sur l’inconscient et s’intéresse au type psychologique qui détermine dès le départ le jugement d’une personne. Découvrir que des attitudes conscientes différentes expliquent les différences entre les théories psychologiques de Freud et d’Adler mène Jung à voir que ces différents types de conscience expliquent en grande partie les problématiques et les différences qu’il observe chez ses patients.

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Les types psychologiques

Jung publie Les types psychologiques en 1921. C’est dans cet ouvrage de référence qu’il expose l’existence des deux attitudes de la psyché humaine : l’introversion et l’extraversion. Il y explique que ces deux énergies opposées sont complémentaires et que quand l’une des attitudes est consciente, la seconde attitude est inconsciente et équilibre la première par un phénomène de compensation. Il ajoute que tout le monde possède bien les deux mécanismes, l’extraversion et l’introversion, et que seule la relative prédominance de l’une ou de l’autre détermine le type de la personne.

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Les deux attitudes : l’introversion et l’extraversion

Par « attitude » Jung entend l’attitude d’une personne par rapport à un objet extérieur à elle — que ce soit une autre personne ou bien son environnement.

« L’attitude de l’introverti par rapport à l’objet est une attitude d’abstraction; au fond, l’introverti est toujours résolu à préserver son énergie de l’objet, comme s’il essayait d’empêcher l’objet de gagner du pouvoir sur lui. L’extraverti, au contraire, a une relation positive à l’objet. L’importance de l’objet pour lui est telle qu’il est constamment en relation avec l’objet, affecté et orienté par lui. […] Chacun peut constater le contraste absolument saisissant entre [les introvertis] ces personnes réservées, insondables, parfois timides et [les extravertis] ces personnes ouvertes, sociables, enjouées qui semblent toujours être en bons termes avec tout le monde, ou toujours se disputer avec tout le monde, mais qui au final sont toujours en relation avec les autres d’une manière ou d’une autre. »
Psychological Types

Pour Jung l’introversion est une énergie dirigée vers l’intérieur de l’individu, et l’extraversion une énergie dirigée vers l’extérieur de l’individu. Les objets diminuent la puissance de l’introverti, alors qu’ils augmentent celle de l’extraverti. L’introverti se décharge au contact des autres et de l’environnement extérieur, alors que l’extraverti, lui, se recharge à leur contact.

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Les quatre fonctions

A ces deux attitudes introvertie (I) et extravertie (E) s’ajoutent quatre fonctions cognitives, c’est à dire des façons pour le cerveau humain de recueillir de l’information et de la traiter.

Les quatre fonctions définies par Jung sont :

La sensation
S
Sensation
L’ intuition
N
iNtuition
La pensée
T
Thinking
Le sentiment
F
Feeling

Ces quatre fonctions sont subdivisées en deux groupes en fonction qu’elles servent à recueillir de l’information ou qu’elles servent à les traiter :

Fonctions irrationnelles
Fonctions d’observation
La sensation
(S – Sensation)
L’intuition
(N – iNtuition)

Les deux fonctions qui recueillent de l’information sont catégorisées par Jung en tant que fonctions irrationnelles — dans le sens philosophique du terme, c’est-à-dire dépassant l’entendement humain. Ces fonction sont également appelées fonctions d’observation car elle servent à observer le monde intérieur et extérieur. Ce sont les fonctions de sensation et d’intuition.

Fonction rationnelles
Fonction de décision
La pensée
(T – Thinking)
Le sentiment
(F – Feeling)

Les fonctions de pensée et de sentiment sont, elles, catégorisées en tant que fonctions rationnelles, c’est à dire qu’elles évoluent dans un cadre que le cerveau humain peut comprendre et nommer. Elles sont également appelées fonctions de jugement, et elles servent à traiter les informations observées en y appliquant un filtre de jugement. Ce sont ces fonctions qui motivent et permettent l’action et la prise de décision.

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Les quatre types principaux

Si une fonction prédomine chez une personne, alors le type de la personne correspond à cette fonction principale.

Jung distingue ainsi quatre types de personnes :

Le type sensationLe type intuitionLe type penséeLe type sentiment

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Les huit type-attitude

Chacun des quatre types sus-cités peut être soit introverti soit extraverti en fonction de la relation que la personne a à l’objet. Ainsi il existe huit type-attitude : quatre extravertis et quatre introvertis.

Les quatre types extravertis
Type
sensation extravertie
Type
intuition extravertie
Type
pensée extravertie
Type
sentiment extraverti
Les quatre types introvertis
Type
sensation introvertie
Type
intuition introvertie
Type
pensée introvertie
Type
sentiment introverti

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La fonction inférieure

Lorsque Jung parlent de fonction inférieure il le fait bien souvent au pluriel, car il considère que toute fonction en dehors de la fonction principale est une fonction moins différenciée et donc inférieure à la principale.

« Elles [les fonctions inférieures] étaient à l’origine négligées et réprimées parce qu’elles empêchaient l’homme civilisé d’atteindre ses objectifs. […] Tant que l’objectif culturel ne coïncide pas avec l’idéal de perfectionner l’individualité humaine, ces fonctions sont sujettes à dépréciation et à un certain degré de répression. »
Psychological Types

Cependant il distingue parmi toutes ces fonctions indifférenciées la fonction qui équilibre la fonction principale : la fonction inférieure.

Par souci de compensation, la nature et l’attitude de la fonction inférieure sont toujours opposées à celles de la fonction principale.

Fonction principalesensation introvertiesensation extravertieintuition introvertieintuition extravertiepensée introvertiepensée extravertiesentiment introvertisentiment extraverti
Fonction inférieureintuition extravertieintuition introvertiesensation extravertiesensation introvertiesentiment extravertisentiment introvertipensée extravertiepensée introvertie

(Le même tableau, mais avec le codage des fonctions) :

Fonction principaleSiSeNiNeTiTeFiFe
Fonction inférieureNeNiSeSi.FeFiTeTi

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La fonction auxiliaire

A la toute fin de sa description générale des types, Jung parle de l’existence d’une autre fonction, moins différenciée que la principale et de moindre importance, qui est cependant invariablement présente dans la conscience de la personne et qui exerce une influence conjointe avec la fonction principale : c’est la fonction auxiliaire ou complémentaire.

Il est à noter que lorsque Jung dit qu’une fonction est consciente, conscientisée ou différenciée, cela signifie que cette fonction peut être mobilisée et utilisée de façon volontaire. La fonction auxiliaire se démarque donc lorsqu’elle est différenciée par une obéissance à la volonté de la personne. Elle n’est utile à la personne et ne peut exister en tant qu’auxiliaire que dans le cas précis où elle ne cherche pas à prendre l’ascendant sur la fonction principale et où elle la sert sans chercher à acquérir une quelconque autonomie.

Quant à la nature de cette fonction auxiliaire, Jung précise qu’elle ne peut pas être opposée à celle de la fonction dominante. Ainsi une fonction sentiment ne pourra jamais être la fonction auxiliaire d’une fonction principale de pensée, parce que la nature même de ces deux fonctions est radicalement opposée. Une fonction principale de pensée ne pourra jamais qu’avoir une fonction de sensation ou d’intuition en auxiliaire.

Nous nous retrouvons donc avec ce modèle :

Fonction principalesensation
introvertie ou extravertie
intuition
introvertie ou extravertie
pensée
introvertie ou extravertie
sentiment
introverti ou extraverti
Fonction auxiliairepensée
ou
sentiment
pensée
ou
sentiment
sensation
ou
intuition
sensation
ou
intuition
Fonction inférieureintuition
extravertie ou introvertie
sensation
extravertie ou introvertie
sentiment
extravertie ou introvertie
pensée
extravertie ou introvertie

(Le même tableau, mais avec le codage des fonctions) :

Fonction principaleSiSeNiNeTiTeFiFe
Fonction auxiliaireT ou FT ou FT ou FT ou FT ou FT ou FT ou FT ou F
Fonction inférieureNeNiSeSiFeFiTeTi

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Les quatre sous-types

Ainsi peut-on identifier quatre sous-types venant compléter les huit type-attitude principaux, ce qui au total donne seize types psychologiques différents :

Type 1Type sensation introvertieSous-type pensée
Type 2Sous-type sentiment
Type 3Type sensation extravertie Sous-type pensée
Type 4Sous-type sentiment
Type 5Type intuition introvertieSous-type pensée
Type 6Sous-type sentiment
Type 7Type intuition extravertieSous-type pensée
Type 8Sous-type sentiment
Type 9Type pensée introvertieSous-type sensation
Type 10Sous-type intuition
Type 11Type pensée extravertieSous-type sensation
Type 12Sous-type intuition
Type 13Type sentiment introvertiSous-type sensation
Type 14Sous-type intuition
Type 15Type sentiment extravertiSous-type sensation
Type 16Sous-type intuition

(Le même tableau, mais avec le codage des fonctions) :

Type 1Type Si / sous-type T
Type 2Type Si / sous-type F
Type 3Type Se / sous-type T
Type 4Type Se / sous-type F
Type 5Type Ni / sous-type T
Type 6Type Ni / sous-type F
Type 7Type Ne / sous-type T
Type 8Type Ne / sous-type F
Type 9Type Ti / sous-type S
Type 10Type Ti / sous-type N
Type 11Type Te / sous-type S
Type 12Type Te / sous-type N
Type 13Type Fi / sous-type S
Type 14Type Fi / sous-type N
Types 15Type Fe / sous-type S
Type 16Type Fe / sous-type N

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Le modèle à seize types

Un passage de Gifts Differing (p.21) d’Isabelle Myers pourrait induire en erreur quant à l’appartenance intellectuelle du modèle à seize type :

« Quand le processus auxiliaire est pris en considération, cela scinde chacun des types de Jung en deux. Plutôt que de n’avoir qu’un penseur introverti, nous obtenons un type pensée introvertie sensation et un type pensée introvertie intuition. Ainsi il y a seize types en lieu des huit de Jung. »
Gifts Differing

Cependant, comme nous venons de le voir, la fonction auxiliaire et le modèle à seize type qui en découle ont bien été théorisés par Jung. Il est vrai que Jung a présenté ces types psychologiques via leur fonction-attitude principale, au nombre de huit, mais c’était dans un souci de clarté. Ces huit « types pures » constituaient des modèles purement théoriques destinés à donner des repères clairs aux analystes pouvant les aider à repérer la fonction principale de leurs patients afin de pouvoir mieux identifier leurs névroses et communiquer plus efficacement avec eux.

Affirmer que Jung n’avait créé que huit types psychologiques est au mieux une erreur, au pire une appropriation abusive de la propriété intellectuelle d’autrui. Dans les deux cas, il nous semblait nécessaire de clarifier ce point auprès des lecteurs.

Dans son chapitre sur la fonction auxiliaire Jung énonce clairement le résultat typologique de la combinaison d’une fonction principale et d’une fonction auxiliaire, ainsi que la place de la fonction tertiaire :

« Les combinaisons résultantes [d’une fonction principale associée à une fonction auxiliaire] présentent l’image familière, par exemple, de la pensée pratique alliée à la sensation, de la pensée spéculative progressant avec l’intuition, de l’intuition artistique sélectionnant et présentant sa vision à l’aide de valeurs et de ressenti, de l’intuition philosophique systématisant sa vision en pensée globale au moyen d’un intellect puissant, etc. Les fonctions inconscientes se regroupent également dans des schémas corrélés aux fonctions conscientes. Ainsi, le corrélatif d’une pensée pratique consciente peut être une attitude de sentiment et d’intuition inconsciente, avec un sentiment soumis à une plus forte inhibition que l’intuition. »
Psychological Types

Le modèle à seize types est né, et il sera repris par tous les continuateurs de Jung après lui.

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La fonction tertiaire

Même si dans Types psychologiques, après avoir présenté la fonction principale, la fonction auxiliaire et la fonction inférieure, Jung n’a pas explicitement nommé la fonction indifférenciée restante, ses continuateurs on choisi de l’appeler la fonction tertiaire.

Les deux fonctions se disputant la place de la fonction auxiliaire sont deux fonctions de même nature :

  • Fonctions d’observation (N ou S) si la fonction principale est une fonction de jugement (T ou F)
  • Fonctions de jugement (T ou F) si la fonction principale est une fonction d’observation (N ou S)

Pour que l’une des deux fonctions soit auxiliaire, l’autre doit prendre la place de la fonction tertiaire. C’est à la fonction la plus inhibée des deux qu’échoit la troisième place.

Fonction principalesensation
introvertie ou extravertie
intuition
introvertie ou extravertie
pensée
introvertie ou extravertie
sentiment
introverti ou extraverti
Fonction auxiliairepensée
ou
sentiment
pensée
ou
sentiment
sensation
ou
intuition
sensation
ou
intuition
Fonction tertiairesentiment
ou
pensée
sentiment
ou
pensée
intuition
ou
sensation
intuition
ou
sensation
Fonction inférieureintuition
extravertie ou introvertie
sensation
extravertie ou introvertie
sentiment
extravertie ou introvertie
pensée
extravertie ou introvertie

(Le même tableau, mais avec le codage des fonctions) :

Fonction principaleSiSeNiNeTiTeFiFe
Fonction auxiliaireT ou FT ou FT ou FT ou FS ou NS ou NS ou NS ou N
Fonction tertiaireF ou TF ou TF ou TF ou TF ou TF ou TF ou TF ou T
Fonction inférieureNeNiSeSiFeFiTeTi

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En résumé

En résumé en typologie jungienne la fonction principale, la fonction la plus différenciée, a une attitude claire – soit extravertie soit introvertie, déterminée par l’attitude préférée de la personne. Si la personne est introvertie et que sa fonction principale est la fonction pensée, alors la personne sera de type pensée introvertie.

Par le mécanisme de compensation, la personne ayant une fonction d’observation en fonction principale héritera automatiquement de l’autre fonction d’observation en inférieure. La fonction inférieure sera toujours de l’attitude opposée à celle de la fonction principale.

Les deux fonction-attitude restantes se partagent les places de la fonction auxiliaire et de la fonction tertiaire. Leurs attitudes ne sont pas mentionnées par Jung, mais elles sont toutes les deux de même nature, et toutes deux opposées en nature à la fonction principale et à la fonction inférieure – c’est à dire que si les fonctions principale et inférieure sont des fonctions d’observation, alors les fonctions auxiliaire et tertiaire seront des fonctions de jugement.

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Opposés et équilibre psychique

Pour Jung et ses continuateurs le système des fonctions est équilibré dans tous ses aspects par des mécanismes de compensation et d’opposés, et c’est la tension entre ces opposés qui tire à la fois vers l’équilibre et vers la croissance. C’est par le processus de différenciation – l’apport du contenu inconscient dans la conscience, que l’individuation – devenir l’individu que nous avons le potentiel d’être, se réalise.

Ce principe de compensation par les opposés est un des piliers de la typologie jungienne. Certaines typologies se réclamant de Jung mais ne respectant pas ce principe de compensation fleurissent depuis quelques années sur Internet. Le typologue averti ne s’y trompera pas : en typologie jungienne chaque élément doit toujours être compensé par son contraire dans la psyché. Pour Jung c’est toujours le déséquilibre extrême et/ou prolongé des fonctions qui est l’origine de la plupart des dysfonctionnements de la personnalité et des névroses.

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L’inconscient selon Jung

La typologie jungienne a été théorisée pour appréhender le fonctionnement de la conscience. Cependant, il est intéressant de se pencher sur les théories de Jung concernant l’inconscient car cela permet de mieux comprendre le fonctionnement global de la psyché chez ce théoricien.

Pour Jung, tout commence avec l’inconscient collectif, sorte de chaos originel, de point d’entropie maximale de l’univers, où rien n’est différencié – et donc où tout ne fait qu’un, porteur d’un potentiel de création et de croissance immense. Dans les mythes de la cosmogonie, on retrouve souvent cet état divin où les opposés cohabitent, où « le loup et l’agneau dorment ensemble » comme dans la prophétie d’Ésaïe. Pour Jung ces mythes sont la preuve de l’existence de l’inconscient collectif, des manifestations d’un archétype d’un état primordial cherchant à rappeler à notre conscience d’où elle vient.

De cet inconscient collectif va peu à peu émerger un inconscient qui va commencer à ordonner certains élément du chaos. Cette minuscule partie de l’inconscient collectif, engagé dans un processus néguentropique, va peu à peu se condenser en un inconscient personnel. Plus les contenus vont s’ordonner, plus la distinction entre les opposés va devenir claire, et plus la personnalité consciente va pouvoir émerger. Et de l’inconscient personnel va émerger la conscience individuelle.

Nous voilà en présence d’un nouveau né dont la conscience nouvelle, à peine sortie de l’inconscient collectif et de l’inconscient personnel, va chercher à s’affirmer en tant qu’entité autonome. Les premières années de sa vie, ce nouvel être va renforcer son ego, le siège de son identité. Sa première fonction cognitive va apparaître, et en s’identifiant au fonctionnement de cette fonction il va rejeter le fonctionnement de la fonction opposé hors de sa conscience. Cette première fonction rejetée dans son inconscient personnel sera sa fonction inférieure.

Pour créer son identité, la personne va devoir se constituer une personnalité consciente : le Moi (cf. Carl Jung, in Aïon, Le Moi). Se faisant elle va, par effet de compensation, donner naissance à une entité autonome contraire qui résidera dans son inconscient personnel – l’ombre. Elle s’identifiera aussi à un genre, et un animus ou un anima naîtra dans son inconscient pour compenser ce dernier. Enfin, elle se constituera un masque social, un médiateur qui permettra au Moi de communiquer avec le monde extérieure, la persona. Ombre, animus, anima et persona sont ce que Jung appelait des archétypes, des schéma primordiaux chargés d’une énergie numineuse servant de médiateurs entre l’inconscient collectif et la conscience.

La séparation d’avec l’inconscient collectif est nécessaire à l’individualisation, et la distinction des opposés est nécessaire à l’identification. Cependant le processus de l’individuation, le but réel de toute existence humaine, vient seulement de s’enclencher. Réaliser l’individuation, c’est devenir l’individu que nous avons le potentiel d’être en réconciliant les opposés et en intégrant tous les contenus inconscients à la conscience pour accéder à l’archétype du Soi – l’entièreté de la psyché réalisée. (On retrouve l’archétype de cette quête de l’individuation dans le mythe arthurien de la quête du Graal, et plus largement dans toutes les contes et les récits de quêtes héroïques.)

En termes plus pragmatiques et plus concrets, l’individuation se réalise en partie par la différenciation et l’intégration des fonctions inférieures et en partie par le travail sur les archétypes via l’imagination active et l’interprétation des rêves.
La conscience est toujours en lien avec l’inconscient personnel et l’inconscient collectif qui la nourrissent et l’équilibrent, mais qui peuvent également la déstabiliser et l’envahir.

Mais l’inconscient pour Jung n’est pas ce dépotoir de la conscience que Freud a théorisé où sont refoulés monstres, peurs et frustrations sexuelles. C’est au contraire pour Jung une sorte de champ qui nous relie à l’humanité passé, présente et future ; un champ de connaissances, d’idées, d’émotions et d’énergies qui nous enseigne, nous inspire et à le pouvoir de nous guérir.

Bien loin d’être construit sur le seul problème de la sexualité refoulée du complexe d’Œdipe, l’inconscient jungien est constitué de l’ensemble des mythes de l’humanité, et c’est par le langage archétypal que nous entrons en contact avec cet inconscient et que cet inconscient communique avec nous.

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Pour aller plus loin

SEDILLOT Carole, ABC de la psychologie jungienne, Éditions Grancher, 2003

JUNG Carl, Psychological Types, traduit de l’allemand par BAYNES H. G. en 1923 et préfacé par BEEBE John, Routhledge Classics edition, New York, 2017

Note : L’édition française semble comporter des contresens dans la traduction. Elle est actuellement à l’étude par notre équipe. En attendant nous recommandons de préférence l’édition anglaise traduite sous la direction de C. G. Jung.

JUNG Carl, The portable Jung, traduit par HULL R.F.C et édité par CAMPBELL Joseph, Penguin Books Edition, New York, 1971

Note : Ce recueil des œuvres clefs de la pensée de Jung contient le chapitre « Description générale des types » de Types psychologiques.

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